Iffic , dessineur à Camaret, Itinéraire en bord de mer
Aussi loin que remontent mes souvenirs, je me vois toujours un crayon à la main, et j’ai fini par décider de faire mon métier de cette envahissante passion , encouragé par un grand-oncle peintre (et un peu grand-père de substitution), ma famille, mes amis…
En 1983, je quitte Brest et la Bretagne pour suivre les formations en communication visuelle de l’école de l’Union Centrale des Arts Décoratifs à Paris, après quoi je travaille à mon compte comme illustrateur pour des clients aussi variés que des agences de pub, des maisons d’édition, de la presse magazine ou des particuliers.
Mais Paris manque d’air (et de mer : deux grands- pères dans la royale, un père marin de commerce et un grand frère itou, une enfance et une adolescence passées au bord de l’eau ou sur l’eau) ,et dix ans après mon départ, je regagne la presqu’ile de Crozon, en Bretagne, ou je commence à me consacrer à mes thèmes de prédilection : la mer, les bateaux et les ambiances maritimes. Quelques participations à des salons de peinture et des expos collectives me convainquent que je suis sur la bonne voie.
C’est en 1996 que je me lance vraiment : un petit local loué à Morgat, en presqu’ile de Crozon (Finistère), accueille ma première expo personnelle. Merci au sculpteur Jean-Claude Le Roux, aujourd’hui disparu, dont l’énergie et la générosité ont rendu ce projet possible.
Mines de plomb et gueules de bois
la mer , les bateaux, la Bretagne en dessins
Pour la première fois, j’expose une grande série de dessins en noir et blanc, à la mine de plomb, de mes sujets favoris, les bateaux. Nourri des lectures d’ « Ar Vag » et du « Chasse Marée », je propose ma vision de ce qu’il reste des derniers témoins de la pêche à la voile en Bretagne. A partir de photos et croquis engrangés dès le début des années 80 en arpentant les cimetières marins, je m’emploie à faire revivre par le crayon les carcasses de bateaux abandonnés sur les grèves (ce que j’appelle « gueules de bois »), en insistant sur la puissance des structures et l’élégance des lignes de ces désormais immobiles architectures de chêne.
La beauté de ces membrures, de ces bordés et barrots érodés par, l’eau, le sel, le soleil et le temps, me captive, autant que la texture des cordages, filières de casiers lovées en attendant la prochaine marée, ou aussières usées par le frottement contre le quai.
Les charpentes sculptées de certaines chapelles – carènes inversées – m’ont aussi inspiré quelques dessins, tout comme les chantiers navals ou j’ai souvent trainé, le crayon à la main, l’appareil photo en bandoulière, ou seulement les yeux grands ouverts, m’imprégnant de ces lieux magiques ou les arbres deviennent bateaux.
Dès 1997, je rejoins l’équipe des Artistes de Camaret , d’abord sur le quai Kléber, puis au 6 rue de la Marne (pas loin du quai), dans le quartier saint Thomas où je suis toujours aujourd’hui. De l’autre côté du port, les langoustiers , mes personnages préférés, reposent sur le sillon, derniers survivants échoués de l’épopée langoustière camarétoise.
Des copains, des amis, peintres ou non m’ont souvent demandé : « C’est pour quand la couleur ? »
Réponse évasives…
Des craies hâtives
la mer, les bateaux, la Bretagne en couleurs
Jusqu’à ce jour d’avril 2002 ou, voulant reprendre un croquis d’une vue de quai de Camaret, je récupère au grenier une vieille boite de pastels secs. Et les façades du port deviennent bleues, vertes, roses. Leurs reflets aussi, sur papier gris, brun, ou noir (je n’aime pas beaucoup les fonds blancs). Viendront ensuite des petits paysages d’îles aux maisons colorées, blotties au pied de leur phare .
Ces outils nouveaux appellent de nouveaux sujets, et après toutes ces années de dessins de bateaux moribonds et sans équipages, j’ai envie de présence humaine, de chaleur et d’échanges, du genre de ceux qui passent par la compagnie des zincs, la fraternité des troquets.
Il me faut aussi me frotter à d’autres supports, d’autres matières : le médium, bois aggloméré, a une excellente surface d’accroche pour le pastel, mais un peu trop régulière, un peu trop lisse à mon gout…C’est en arpentant les grèves et les plages autour de Camaret que l’idée me vient de dessiner sur les bois flottés laissés par la marée : leurs formes accidentées et pourtant polies s’accordent bien au physique de mes nouveaux personnages. Quand aux douelles (planches de barriques), c’est tout naturellement qu’elles accueillent des scènes de comptoir : du tonneau au bistrot, il n’y a pas loin et le recyclage me parait cohérent.
Le dessineur grave
la mer, les bateaux, la Bretagne en gravure
- Ar Men

Depuis longtemps, la gravure me trotte dans la tète,